Chapitre deux :

Tout d’abord, Inna entendit des bruits diffus, au prix d’un gros effort elle ouvrit les yeux. Elle ne voyait rien ! Papillonnant des paupières elle mit un temps infini à se souvenir des événements. Au moins, pensa elle fugacement, elle n’était pas aveugle… Non. Juste enfermée dans une sans mur et froide, elle même enfermé dans une penderie immense… Elle était devenue une proie, un objet, elle ne savait pas trop, aux mains d’un homme qui pouvait la broyer d’une simple pression. Son cœur se mit à battre frénétiquement, sa respiration se fit plus difficile, la peur et la douleur l’envahirent de nouveau.

Soudain, des éclats de voix se firent entendre.

_  » Vous allez-voir ! Avec ça, on pourra financer des fortifications pour l’enceinte du village, et même une équipe de mercenaire ! « 

Inna entendit la porte s’ouvrir brutalement, puis des bruits de pas lourds et précipités… La penderie s’ouvrit sur l’homme-renard, éblouissant Inna. Très vite la petite fée fut de nouveau ballotté en tous sens, puis jetait dans une semi obscurité, en retrouvant son équilibre elle put s’apercevoir que l’homme-renard serrait fermement sa petite pièce dans ses bras, la privant ainsi de la vue.

_  » Z’allez voir… » Inna ressentie l’excitation transpercer dans sa voix, un frisson glacé lui parcourut l’échine. La petite pièce fut alors sèchement posé sur la table, autour d’elle cinq hommes la fixaient intensément, elle ne pu s’empêcher de les associer aux animaux qu’elle avait déjà vu dans la forêt. Se tenant à la droite de l’homme-renard, un homme-ours croisait les bras sur sa poitrine, se demandant sûrement si il allait croquer la petite fée ou simplement l’écraser d’une pichenette. Collé l’un à l’autre, deux hommes-corbeaux la regardaient les yeux brillant de convoitise, en face de l’homme-renard se trouvait un homme-serpent qui ne lui inspirait rien d’autre que de la méfiance.

_ « Qu’est ce que c’est que ça, Chef ? »

C’était l’homme-ours qui avait parlé, Inna se retourna vers lui, il s’était penché vers elle, les bras toujours croisé . Il était bien plus grand que l’homme-renard et un seul de ses bras poilus était plus large que la fée était grande, c’était le plus velu de tous, on ne pouvait même plus distinguer ses lèvres sous ses longs poils roux et frisés.

_  » Aucune idée, mais elle peut briller comme une torche ! Il faut monter une équipe pour aller la vendre à la capitale.

_  » Elle doit sûrement venir de la forêt maudite… » Inna se retourna, c’était l’homme-serpent, il avait les cheveux noirs qui lui tombaient en masse graisseuse sur le visage et les épaules. Se tenant le menton, il semblait en intense réflexion, penchant la tête sur le côté il regarda la jolie fée en biais, ses petits yeux froids lui procurèrent un frisson de dégoût.

_  » Sa lumière doit pouvoir faire fuir les monstres alors… » Il leva les yeux de la petite fée.

_  » C’est une jolie prise que vous avez faite là, Chef.

_ Combien on va pouvoir la vendre ?

_ On partira quand ?

_ Nous on viens avec vous, hein Chef ? « 

Les deux hommes-corbeaux parlaient chacun leur tours à toute vitesse, il se ressemblaient beaucoup avec leurs cheveux en batailles et l’impression qu’ils donnaient tous deux de s’être lavé avec de la boue. En revanche il se différenciait facilement vu qu’il manquait une oreille à l’un et que l’autre semblait s’être fait casser le nez six fois au moins déjà.

_  » René, Hervé ! Calmez-vous ! On la vendra aux enchères privées, on pars demain à l’aube, vous venez, mais vous obéissez au doigt et à l’œil ! C’est bien compris ?

_ Oui Chef !

_ Bien Chef !

_ Allez préparer vos affaires, après vous irez aidez Hans au chargement des chariots. Vincent, tu iras prévenir les gars, qu’ils soient prêt à l’aube !

_ A vos ordres Chef ! Je laisse combien d’homme pour maintenir la protection du village ?

_ Personne de capable ! Cette merveille pourrait nous permettre de racheter dix villages comme le notre au moins ! Hors de question que je me fasse détrousser au bord de la route !

_ Je laisserais les jeunes avec Elrich au village… Une personne de plus ou de moins ne fera pas de grande différence et les jeunes seraient trop excités par un tel voyage pour nous être d’une quelconque utilité.

_ Je veux Elrich avec moi ! C’est le seul qui ai fait ces classes à la capitale ! »

L’homme-serpent jeta un œil à la ronde pour s’assurer que les autres soient hors de porté de vue et de voix, il s’approcha alors de l’homme-renard à pas feutrés. Il posa sa main sur le bras de son chef et poursuivit d’une voix mielleuse:

_ « Allons Arnault, Elrich se fait vieux, un tel voyage le fatiguerait trop… Et les jeunes le respectent, il pourra en faire quelque chose d’eux en cas d’attaque. »

Le chef jeta un regard torve à l’homme-serpent

_  » JE. VEUX. ELRICH. AVEC MOI. C’est clair Vincent ?

_ Bien, Chef. »

Arnault hocha la tête et regarda avec insistance la porte d’entrée où Vincent ne manqua de se faufiler en vitesse, prenant tout de même le temps de jeter un dernier regard en direction de la petite fée.

Ensuite il y eu une grande effervescence dans tout le village, de sa petite pièce Inna pouvait entendre les cris des hommes et des bêtes. Un nombre impressionnant d’homme vinrent en se bousculant pour observer le nouveau trophée de leur chef en se perdant en conjoncture et planifiant chaque partie du voyage qui allait amener Inna quelque pars sur l’infinie Terre Mère. A force d’écouter elle compris que le voyage serait long et rude, de même elle finit par comprendre que la « capitale » était en faite le plus grand des villages des hommes. Cela la laissa quelque peu perplexe, pourquoi donc les humains ne vivaient-ils pas tous ensemble dans un village qui grandirait au même rythme qu’eux ? Quel intérêt à ainsi se séparer en plusieurs groupes ? Il y avait bien quelques fées éprises de solitude qui prenait les maisons les plus hautes pour rester à l’écart des foules, mais c’était un comportement somme toute assez rare et isolé, elles ne créaient pas de nouveaux villages… Inna s’efforça à l’immobilité le plus possible, espérant qu’en se faisant discrète ils finiraient par ne plus faire attention à elle. Peine perdue ! Déjà que tous venaient spécialement pour la voir, Arnault, le chef du village ne la lâcha pas des yeux de toute la journée.

La nuit vint enfin, Inna était épuisé elle n’avait pas bouger ou presque de toute la journée, chaque muscle de son corps la faisait souffrir. Les hommes du village étaient retournés dans leurs maisons et l’homme-renard fourrageait dans la pièce d’à côté, sûrement sa cuisine. Elle n’en pouvait plus, elle ne voulait plus jamais voir d’humain de sa vie! Elle voulait rentrer dans sa forêt, dans son clan, parmi les siens. D’un geste rageur elle se pinça férocement le bras pour refouler les larmes qui pointaient aux coins de ses yeux, peine perdue la douleur fit redoubler ses larmes… Soudain, elle entendit l’homme revenir, Inna essuya ses larmes à la hâte et repris sa pose silencieuse et immobile, en s’arrangeant pour pouvoir quand même l’observer à la dérobé. Il emmenait avec une lui une assiette fumante, le ventre de la jeune fée se mit à gargouiller douloureusement, l’eau lui monta à la bouche et … Son ventre se retourna dès la seconde où l’homme posa l’assiette sur la table juste à côté d’elle… Un amas de viande sanguinolente et griller trônait au centre de l’assiette. Les humains mangeaient de la viande ! Elle comprit alors que le prédateur de toutes choses était les humains. Inna était écœurée, les fées étaient herbivores, jamais, au grand jamais une fée n’avait un jour éprouvée le désir de se nourrir d’êtres pensants, se contentant de ce que leur offrait la nature, fruits, baies, fleurs et même parfois lorsque les bêtes étaient d’accord du lait qu’elles partageaient avec leurs petits. Au moins, se dit-elle, elle n’était plus dérangé par la faim. Elle regarda l’homme-renard manger sans la moindre forme de délicatesse, arrachant la viande à pleine dents en envoyant des gouttelettes juteuses dans tous les sens et poussant force de grognements. Il faisait passer le tout avec une étrange boisson rouge au parfum acide tout en étant fruité et fleurit.

Quand-il eu finit, il remit ses effets dans la cuisine et revint dans la salle à vivre. Il éteignit toues les chandelles sauf une, la pris avec lui et attrapa la cage de son autre main. Il remit la petite fée dans le placard avec, cependant, infiniment plus de douceur que la première fois, et referma derrière.

De nouveau, Inna entendit se bruit si étrange à ses oreilles mais elle en compris le sens : on bloquais l’ouverture de la porte du placard afin de s’assurer qu’elle ne pourrait pas la quitter. Elle tendit l’oreille pour entendre les bruit étouffés de l’homme-renard montant l’escalier pour rejoindre sa chambre. Lorsqu’elle ne l’entendit définitivement plus elle attendit encore quelques minutes et poussa un soupir de soulagement, à tâtons, elle chercha son sac à dos. Elle croqua dans ses baies farouchement, refoulant ses larmes, refusant de se laisser abattre. Elle essaya vainement de dormir… Mais elle avait si froid ! Avant ce jour la petite fée n’avait encore jamais connus le froid. Même lorsque leurs respirations faisaient des volutes de fumées dans l’air, que la plupart des animaux de la forêts étaient partis se terrer pour dormir en attendant les jours plus chauds, les fées ne ressentaient jamais la morsure du froid. Sombrant dans l’inconscience, Inna se rappela une discussion qu’elle avait eu avec sa mère à se sujet.

  •  » C’est parce que nous nous réchauffons grâce à la lumière, les animaux n’ont pas cette chance eux. Ma petite chérie n’oublie jamais cela, c’est l’une des raisons de notre présence, sans lumière il n’y a point de vie possible pour nous. »

Une vive lumière la réveilla en sursaut, finalement elle avait réussi à dormir se dit-elle, se protégeant les yeux d’une main, elle bénit tout de même la présence de la chandelle près d’elle : elle sentait la chaleur revenir petit à petit dans son corps.

_  » Tu es sûr qu’on ne pourra pas la voir, Hans?

_ Chef, elle serra dans un chariot, dans une cage que j’ai moi-même fabriqué… Un petit bijoux de fer et de cuir! La seule ouverture dont elle dispose se trouve sur le haut, pour lui permettre de respirer mais je l’ai hérissé de pointes pour qu’elle ne puisse pas l’emprunter. Armature en fer trempé et cuir tendu sur tout le pourtour. A moins de croiser un puissant magicien… et dans ce cas de figure, je vois pas bien ce qu’on pourrait faire de plus pour se protéger. »

_ Hummm… Bin, de toute façon je crois pas qu’on puisse faire quoi que ce soit de plus, hein ? »

La cage fut sortie du placard et transporté hors de la maison, Inna put sentir l’air frais de l’aube caresser sa peau, il lui semblait porteur de vie, ça faisait si longtemps maintenant qu’elle n’avait pas volé ! Inna s’accrocha aux barreaux pour bien voir, une masse d’hommes, de bêtes et d’étranges constructions en bois se trouvait au centre du village. Là où on l’emmenait aussi apparemment, une fois arrivé à porté de voix son porteur, l’homme-renard, comme on pouvait s’en douter, hurla avec force pour qu’on lui amène son chariot. Aux centaines d’yeux qui se tournèrent unanimement vers elle, elle comprit que ce fameux Arnault n’avait vraisemblablement pas confiance en tous ces hommes. L’homme-ours vint à eux en dirigeant à l’aide d’une corde une de ces créature massive, au poil ras et noir, deux cornes pointaient sur son front et ses yeux placides et sombres semblaient ne rien demander d’autre qu’une plus longue nuit de sommeil. Elle était attaché à l’aide de corde et d’une structure en bois à l’une de ces construction ressemblant un peu à une petite maison mais dont le toit était de toile et où le déplacement était rendu possible grâce à d’ingénieux morceaux de bois rond. Ces hommes n’était pas bien beaux, ni bien bons mais au moins concéda la petite princesse ils étaient malins.

L’homme-ours et l’homme-renard entrèrent dans le chariot, bon grès mal grès, Inna avec, là l’homme-ours montra à son chef une nouvelle cage, toute couverte de tissus épais et dont le sommet ressemblait vaguement au dos d’un porc-épic.

_ « C’est bien beau Hans, mais comment je suis censé la faire entrer dedans moi ?

_ Regardez Chef ! C’est là le génie de mon œuvre ! »

Hans, mis sa grosse main sur les pointes de la cage et d’un mouvement de poignet il fit glisser les pointes les unes contre les autres. Le haut de la cage s’ouvrit comme éclot une fleur, laissant Inna mitigée entre l’émerveillement que lui inspirait un tel mécanisme et la répulsion que lui procurait l ‘idée d’y être enfermée. Mais qu’elle le veuille ou non la petite fée fut transférée dans cette nouvelle cage.

La première chose qui la frappa une fois à l’intérieur fut l’odeur, entêtante et écœurante de bête et de fumée. L’odeur provenait de l’épais tissus qui entourait la cage, elle ne pouvait voir que des jeux d’ombres au travers, seul le haut de la cage était découvert bien que bardé d’épines grosses comme ça jambe. D’après ce qu’avait dit l’homme-ours, Hans apparemment, elle supposa que l’étrange matière froide et grise était donc du fer et le tissu épais du cuir. Elle toucha cette nouvelle matière et fut étonnée du contraste entre sa rugosité et sa souplesse, lorsqu’elle passait sa main dans un sens le tissus prenait une couleur plus foncé pour reprendre sa teinte initiale quant elle la passait dans l’autre sens. Qu’elle chose étrange pour la petite fée, elle savait comment faire du tissus avec les fibres de plantes, elle avait conçut elle-même sa robe, mais jamais elle n’avait vu de tissus capable de changer de teinte ! Plus étonnant encore, elle avait beau plisser des yeux elle ne voyait aucune chaîne, à croire qu’il ne s’agissait que d’un fil d’un seul tenant… Dans un coin de sa tête elle nota que si elle avait l’occasion de connaître le secret du cuir elle pourrait le rapporter à son peuple, il pourrait être utile dans bien des domaines …

Voyant que plus personne ne s’occupait d’elle Inna tendit l’oreille pour s’assurer qu’il n’y avait personne dans le chariot ; elle entendait beaucoup de voix et de bruit mais de manière étouffé : il n’y avait personne dans le chariot. La petite fée se frappa farouchement le visage de ses deux mains, il ne fallait pas se laisser abattre ! Certes, sa nouvelle maison ne lui laissait pas beaucoup de visibilité mais au moins elle avait pu voir, même rapidement, le ciel, certes l’odeur était pénible mais elle s’y ferait. Restait le problème de ses ailes, si elle voulait s’enfuir il lui fallait pouvoir voler. Inna s’assit en tailleur au plus près du mur de cuir, elle respira lentement en fermant les yeux, lorsqu’elle s’en sentit le courage elle rouvrit les yeux avec détermination et se contorsionna pour pouvoir attraper la base d’une de ses ailes d’une main et de l’autre, en serrant les dents, elle déplia doucement l’extrémité. Elle dû s’y reprendre à plusieurs fois pour reprendre sa respiration et attendre que la douleur s’apaise avant d’enfin parvenir à défroisser complètement son aile. Inna s’apprêtait à faire la même chose sur la deuxième lorsqu’un beuglement tonitruant, plus près d’elle que ce à quoi elle s’attendait la fit sursauter :

_ « Tout le monde est prêt ? Alors en avant ! On à de la route à faire ! »

A peine ces mots furent-ils prononcé que l’intégralité de la maison sur roue ce mit trembler et à cahoter en tout sens. Heureusement qu’elle était assise sinon elle aurait encore une fois atterrit face contre terre ! Avec un sourire elle se dit que personne n’avait encore prié la Terre-Mère avec autant de ferveur qu’elle ces derniers jours. Blague à part, elle dû se rendre à l’évidence : avec tous ces secousses impossible de s’occuper de son autre aile, tant pis ! Il faudra bien qu’ils s’arrêtent pour dormir, elle pourrait s’en occuper à ce moment… Elle détacha son sac en se bénissant elle-même de l’avoir attaché en vitesse lorsqu’elle avait comprit qu’on allait la déplacer, ces imbéciles d’humains n’avaient à aucunement pensé à la nourrir. Elle compta avec ferveur ses réserves, en se serrant la ceinture elle pouvait encore tenir trois jours… Après il faudrait improviser ou prier, et même les deux pour plus de chance !

Pour pouvoir dormir sur le trajet malgré les soubresauts la petite fée avait ôté sa robe et l’avait noué avec son sac entre deux barreaux afin d’avoir un hamac de fortune. Aussi, lorsque le convoi s’arrêta pour la nuit Inna dormait tranquillement… Ce n’est que quand le concours de beuglements animal et humain eu repris de plus belle qu’elle s’éveilla en sursautant, à la vitesse de l’éclair elle défit son œuvre et renfila sa robe, hors de question que ces êtres si vils puissent la voir nue ! De plus, elle recommençait à avoir froid, décidément cette idée d’aventure ne lui avait rien valut de bon…

_ «  Toujours là petite lumière ? »

L’homme-renard entra dans le chariot, d’évidence il n’attendait pas de réponse à sa question puisqu’il alla directement jeter un œil par dessus la cage. Et de toute façon Inna n’avait aucune intention de lui répondre décidant même de lui tourner résolument le dos.

Ce qu’y n’eut pas tout à fait l’effet escompté… Il éclata d’un rire tonitruant faisant vibrer le sol sous les pieds de la petite fée qui faillit perdre l’équilibre.

_  « Oh, elle boude c’est trop mignon ! Hé Elrich, viens voir le trésor que tu dois protéger au péril de ta vie !

_ Pourquoi faire ? Je sais que c’est dans le chariot, je protégerais le chariot…

_ Discutes pas viens voir, tout le monde n’a pas cet honneur, alors transporte ta vieille carcasse jusqu’ici.

Avec force de soupirs et grognements une deuxième tête humaine apparut au dessus d’Inna. Elle ne put s’empêcher de se retourner pour voir le nouvel arrivant et sursauta de surprise : celui-ci était vieux ! Elle connaissait la vieillesse de même que la mort qui survient ensuite, mais les fées ne perdent pas leurs couleurs… Cet homme-là avait les cheveux et les poils gris tirant sur le blanc, son visage était cerné de rides bien plus qu’aucune fée n’en avait jamais eu…. On aurait dit l’écorce d’un arbre blanchit par la pluie et le temps. Et parmi toutes ces marques de vieillesse, le contraste de ses yeux vifs où briller une lueur de pur malice saisit la petite princesse. Il ressemblait à ces animaux sans âge déjà près à mourir et pourtant si vivant et si sage…

_ « Mouais, une ribaude miniature quoi… Bon je vais y aller Arnault, merci de l’honneur mais si je vais pas expliquer à tes bras cassés ce qui est comestible et ce qui ne l’est pas il nous restera moins de la moitié des troupes d’ici à demain. 

_ Je savais que tu serais indispensable au voyage. Allez ! Cesse donc de faire le rabat-joie ! Tu pourra sûrement croiser des têtes connus à la capitale ! »

L’homme sans-âge répondit d’un grognement et tous deux partirent sans plus de cérémonie.

Bien qu’un peu déboussolée par cette nouvelle rencontre, la petite princesse ne perdit pas de vue ses objectifs, elle attendit que les humains se couchent en grignotant quelques noix. Lorsque le silence fit son règne sur le campement elle recommença son labeur avec sa deuxième aile, une fois fini, elle se roula en boule à même le sol en se servant de son sac comme oreiller pour dormir.

Le lendemain matin l’homme sans-âge rentra dans le chariot, elle l’avait reconnu sans le voir grâce à ses soupirs et grognements habituels. Étonnement il s’installa dans un coin pour dormir durant toute la journée. Lorsqu’il se réveilla de longues heures plus tard Inna l’entendit s’étirer et faire tout un tas de mouvements répété, comme si il frappait l’air autour de lui. La petite fée se dit qu’il était peut-être plus fou que sage… Une fois qu’il eu fini sa bataille solitaire, l’homme se rassit et attendit. Lorsque le convoi s’arrêta pour la nuit l’homme-renard vint lui apporter une assiette et tous deux mangèrent en parlant à voix basse, enfin, l’homme-renard alla s’installer dans la couchette pour y dormir tandis que l’homme sans-âge sortait. Inna resta interloquée par ce brusque changement de comportement de la part des hommes, ils semblaient tous si tendus ! Comme si ils se sentaient pourchassés, menacés à chaque seconde… Enfin ! Si ils prêtaient attention aux bruits qu’ils faisaient, ça ne les empêchaient tout de même pas de dormir et encore moins de ronfler ! Au moins, cela permettait à la petite princesse de manger en ayant l’assurance d’être discrète…

Le voyage continua ainsi le lendemain de même que le sur-lendemain. Encore une fois, le convoi s’arrêta pour la nuit, l’homme-renard mangea avec l’homme sans-âge. Inna les envia, elle n’avait plus rien à manger depuis la veille… Bien malgré elle, l’odeur des légumes bouillis fit gargouiller son ventre de manière assez bruyante.

_ « Humm ?

_ Que se passe il Elrich ? T’as entendus quelque chose ?

_ Rien t’inquiète, une mouche est passé près de mon oreille c’est tout…

_ Mouais… On va atteindre les premiers villages de l’extérieur du mur. Ce sera la partie la plus dangereuse du voyage. Soit bien attentif surtout !

_ Oui chef, promis chef. »


Après cette discussion, l’homme-renard s’allongea comme à l’accoutumé. Mais contrairement à d’habitude il ne ronflait plus du tout ! La petite fée pouvait ressentir la vigilance de l’homme se déployer dans toute la maison roulante… Si il dormait, ce n’était que d’un œil.

La tension devenait électrique, la journée était ponctué de cris et de chamailleries plus ou moins violentes tandis que la nuit régnait un silence de mort. Lors de la troisième journée dans ce climat un événement inattendu finit de mettre le feu aux poudres. Inna ne comprit pas tout de suite que les éclats de voix n’étaient pas dû à une de leurs sempiternelles disputes, ce ne fut que lorsqu’elle attendit l’homme-renard hurler de sa voix de centaure :

_ « Elrich debout ! Y en a qui nous suit ! »

L’homme sans-âge se leva à la vitesse de l’éclair, bousculant la cage au passage qui tomba sur le côté, permettant à Inna de le voir. Dans un seul mouvement fluide il sortie une énorme aiguille de fer de son sac-ceinture et sauta hors du chariot. Remise de sa surprise Inna essaya de voir si elle pouvait en profiter pour s’échapper… Malheureusement elle dû admettre que malgré son apparence l’homme-ours était doué de ses mains et assez intelligent pour ne laisser aucune ouverture à la petite fée. Elle eu beau forcé de toutes ses forces sur les barreaux, rien ne bougeait ! Et si les espaces entre permettaient de voir ce qu’il se passait en dehors il n’y avait aucune chance de passer! Dépitée, elle choisit plutôt de tendre ses grandes oreilles pour comprendre ce qu’il se passait à l’extérieur. Ce fut un exercice difficile, tous essayaient de couvrir la voix de leurs voisins dans un brouhaha infini. Tant bien que mal la petite fée comprit qu’un homme d’un autre village avait été vu et créé la panique. On l’apercevait tantôt derrière le convoi, tantôt à gauche, à droite, dans le bosquet, derrière un rocher… Et puis des hurlements de joie à faire vriller les tympans de la petite fée.

_ « Je l’ai chef ! C’est qu’un gamin !

_ Attache-le à cet arbre là, je préviendrais la garde de la capital pour qu’ils le mettent aux fers.

_ Lâchez-moi !

_ C’est qu’un petiot chef, il avait faim, on va pas l’attacher à un arbre en le laissant pourrir pour avoir voulut voler une miche de pain !

_ On peut pas en être sûr, et qu’est ce qu’on ferait de lui de toute façon ? Si on le laisse tranquille il reviendra nous voler avec ses amis !

_ Il à pas l’air d’avoir d’amis… Au pire on pourrais le garder non ?

_ Et pourquoi faire ? Tu t’es amouraché de lui pendant votre course-poursuite ?

_ Ça, c’est à Vincent qu’il faut demander non ?… »

Les éclats de rires des villageois empêchèrent à Inna d’entendre la suite. Mais apparemment la verbe d’Elrich, ou sa blague bien qu’elle n’avait pas vraiment comprit en quoi celle-ci était drôle, car quand un semblant de calme revint au campement l’homme-renard avait repris la parole d’un ton où perçait l’agacement :

_ « Tiens ! Fais-en ce que tu veux! Il est sous ta responsabilité maintenant . Débrouille-toi avec mais il dois nous coûter moins que ce qu’il nous rapportera. Et je ne veux pas de disparitions dans les réserves ! »

_ Bien chef.

_ Mais… »

Le problème semblant résolu, Inna cessa d’écouter ce qu’il se passait à l’extérieur et revint sur les siens : manger et sortir d’ici… Le froid aussi était un soucis mais elle ne pouvait pas se chauffer au soleil de sa propre volonté sans préalablement sortir de sa cage. Le même constat se faisait pour ce qui était de la nourriture… Tant qu’elle ne sortait pas de cette cage elle serait dans une impasse.

Lorsque Elrich retourna enfin au chariot il surpris la petite fée dans une position des plus incongrue : allongée, le dos plaqué sur l’un des barreaux de la cage, les bras repliés au-dessus de sa tête pour tenir fermement l’une des agrafes retenant le cuir, elle avait relevé ses jambes pour pouvoir pousser de toutes ses forces avec ses pieds sur l’entremêlement de barres… Donnant ainsi une vue imprenable sur son postérieur rebondi. Elle sembla aussi surprise que lui car car elle se redressa à toute allure pour courir se cacher derrière la tenture de sa cage. Après quelques temps il l’a vit repointer le bout de son nez pour voir qui l’avait ainsi dérangé. Ce rendant compte qu’il ne devait pas avoir bien fière allure la bouche à moitié ouverte et ainsi coi à l’entrée… Il se ressaisit brusquement, secouant toute sa vielle carcasse en toussant pour reprendre une contenance. Il marmonna à moitié pour lui-même un sourire en coin :

_ « Eh bien il semblerait que la petite ribaude ailée ai plus d’intelligence que de muscle.

_ Vous parlez de quoi ?

Jusqu’à présent caché dans l’ombre de l’homme sans-âge un jeune humain montait lui aussi dans le chariot, à peine eut-il croisé le regard de la jeune fée qu’il poussa un glapissement sonore et surexcité en courant vers elle. Effrayait Inna retourna au fond de la cage.

_ « Elle est si belle ! Qu’est ce qu’elle est ?

_ Aucune idée. Elle à eu la mauvaise idée de se balader dans la maison du chef… On est là pour la vendre, ne t’y attache pas trop petit.

_ Oh ! C’est tellement dommage … Vous savez d’où elle vient ?

_ De la d’où viennent les monstres je suppose… Nous venons de Lauline juste à côté de la forêt maudite. »

Inna n’écoutais rien de ce qu’ils se disaient, trop angoissée qu’elle était ; que lui voulait-il donc à la fin ? Prudemment la petite fée revint sur ces pas pour voir à quel espèce d’animal sur-excité elle avait à faire. A peine eût-elle passé la tête hors de la tenture qu’elle se trouva face à un œil vert et rond accolé à une masse ébouriffée de cheveux châtain… Trop près ! Inna repartie au trot au fond de la cage, le cœur battant la chamade. Il lui fallut encore quelques minutes pour que son cœur cessa son tintamarre et que sa respiration redevienne naturelle… Bon, elle n’allait quand même pas se laisser démonter par un humain ! Elle repris donc, pour la énième fois, le chemin du haut de la cage. Ne s’arrêtant que le temps d’inspirer un grand bol d’air avant de repointer résolument le bout de son nez dehors.

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